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La bande dessinée comme objet mathématique

dimanche 23 octobre 2022, par FA

Certaines bandes dessinées sont plus qu’un support ou un médium pour transmettre une histoire, un récit, des informations. Les exemples présentés ci-dessous relèvent plutôt de l’objet. On y détecte, en outre, certaines caractéristiques mathématiques…

Des histoires au hasard

Coquetèle, bande dessinée en trois dés non ordonnés
Anne Baraou, Vincent Sardon
L’Association, 2002

Ce livre en est-il vraiment un ? L’objet se présente sous la forme d’un petit étui renfermant trois dés cubiques d’environ 5 cm de côté. Sur chacun de ces dés sont dessinés six cases de bande dessinée. Lancez les dés, positionnez-les dans l’étui et lisez ! Rigolez, et recommencez ! Combien de strips différents lirez-vous ainsi ?
Les petites cases dessinées par Vincent Sardon sont malicieuses et la confrontation aléatoire des textes d’Anne Baraou comme par exemple « Chaque fois que l’ambiance est mortelle », ou « Il vomit sur ses souliers », ou encore « Pour rigoler un peu » ne peuvent que faire mouche. Les enseignants auront plaisir à présenter un tel objet en classe et le calcul du nombre d’histoires possibles (à généraliser avec plus de dés) suscitera l’intérêt des élèves.

Voir sur site des éditions L’Association

L’itération en BD

Morlac
Leif Tande
La Pastèque, 2005

Sur les cinq premières pages de cette bande dessinée, on ne trouve qu’une seule case et un personnage au profil rebondi qui se retrouve confronté à deux flèches, une vers la gauche, l’autre vers la droite. À la sixième page, le lecteur se trouve face à deux cases situées de part et d’autre de l’espace vide précédemment occupé par la case unique et dans lesquelles figure le même personnage. Ce sont maintenant deux histoires qui se développent à gauche et à droite de chaque page…
Le dessinateur québécois Leif Tande explore ici le concept d’itération. Le processus de la page 6 se répète aux pages 8, 10, 11... et la page en gaufrier se retrouve petit à petit complétée par de multiples histoires qui se subdivisent et se recoupent les unes les autres ! La conception de cet original album muet est un véritable tour de force et questionne profondément le mode de lecture de la bande dessinée.

Voir sur le site des éditions La Pastèque

36 pièces triangulaires

π-ramide, une enquête labyrinthique de Détective Rollmops
Renaud Farace et Olivier Philipponneau,
The Hoochie Coochie, 2018

Le nombre π a disparu ! Il s’est lassé des cercles et des cônes et est parti explorer de nouvelles formes géométriques. Hélas, il s’est perdu dans une pyramide ! Le détective Rollmops est appelé à la rescousse car, comme chacun sait, les dédales des pyramides sont inextricables. Aux lecteurs amateurs de calembours de prendre alors les choses en main !
Cet objet littéraire est constitué de 36 pièces triangulaires qui sont autant de chambres de la sépulture géante. Sur chacune d’elles figure une scène permettant de faire avancer l’enquête et deux flèches indiquant la couleur de la chambre suivante. Il suffit de commencer avec la pièce blanche puis d’effectuer ses choix, volontairement ou au hasard, jusqu’à tomber sur une des cases grises marquant la fin de cette quête éπque. On vous laisse le soin de compter le nombre d’histoires différentes qu’il est possible de former…

3856 histoires possibles

Vanille ou chocolat ?
Jason Shiga,
Cambourakis, 2012

Seulement 80 pages et pourtant 3856 histoires possibles, voilà le tour de force réalisé par Jason Shiga. Sur la première page de cette bande dessinée, le héros choisit un parfum de glace dans sa boutique favorite. Deux cases sont dessinées, une pour « vanille », l’autre pour « chocolat »... et c’est au lecteur de choisir ! Un système de petites canalisations et de languettes permet alors de passer d’une page à l’autre pour une aventure haute en couleur.
La structure sous-jacente de l’œuvre est constituée d’une série de sept diagrammes à la complexité croissante. Une fois l’intrigue construite et les choix de notations bien établis, c’est un lourd travail algorithmique qui a permis la traduction la plus efficace possible sous forme de livre de ce dédale narratif. Et quand l’histoire est finie, le lecteur n’a qu’une seule envie : recommencer du début en prenant d’autres chemins !

Voir sur le site des éditions Cambourakis

Un immense palindrome

Cercle vicieux
Étienne Lécroart
L’Association, 2000
À partir de 16 ans (propos grivois)

Cette bande dessinée est un petit bijou de conception. Tout commence par une drôle d’histoire de voyage dans le temps avec une machine étrange, un savant fou et son assistante. Chaque planche est découpée en six cases carrées de format identique. Au milieu de l’album, l’histoire continue sur sa lancée mais on s’aperçoit que la bande dessinée est un immense palindrome !
La première case est en effet identique à la dernière, la deuxième est identique à l’avant-dernière et ainsi de suite. Tout est rigoureusement similaire : aussi bien les dessins que les textes. Et pourtant, le sens est radicalement différent puisque la deuxième partie traite avec humour… d’attirance sexuelle entre les protagonistes ! C’est une exploitation extraordinaire de la notion de symétrie qui est proposée ici.

Voir sur le site des éditions L’Association

L’obsession de la symétrie

Les terres creuses, tome 3 : Nogegon
Luc et François Schuiten
Les humanoïdes associés, 1989 (puis réédition Casterman, 2010)
À partir de 15 ans

Dans ce récit de science-fiction, un personnage est à la recherche d’un autre dans un univers pour le moins étrange. Sur la planète Nogegon, la pesanteur est très faible et les personnages s’y déplacent en faisant de grands bonds qui donnent l’impression que tout le monde vole plus ou moins. L’enquête menée par le personnage principal est de plus en plus opaque, on semble vouloir lui cacher des choses.
Le titre de l’album et l’obsession de certains personnages pour la symétrie peuvent mettre le lecteur en alerte : il y a quelque chose d’étonnant dans cet album. La numérotation exotique des pages permet aussi de s’en rendre compte. L’album est construit comme une sorte de palindrome. En fait, la symétrie s’applique à tous les éléments constitutifs de la bande dessinée : les cases, les couleurs, la mise en page, les cadrages, les dialogues… mais aussi la couverture ou la page de garde !

Voir sur le site des éditions Casterman

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